ERIKSON a mis en évidence les différentes étapes du développement psychosocial de l'être humain. Il énonce notamment les principes suivants :
Le cours de notre vie, tel qu'il se déroule, résulte d'une interaction entre le corps (soma), l'âme (psyché), et l'éthique (morale liée à l'environnement).
Chaque étape de notre vie est caractérisée par une bipolarité : il y a combinaison d'éléments positifs et négatifs. La croissance intervient lorsque les éléments positifs prennent le dessus.
Chaque nouvelle étape connaît une « crise psychosociale », en raison des questions et réalités nouvelles auxquelles il faut faire face.
Les forces de la personnalité (ego) sont constituées par la somme de nos points forts (vertus) et de nos points négatifs : cela détermine les traits de notre caractère.
Ce sont les nouvelles informations (et la dissonance qu'elles font naître) qui engendrent la croissance : celle ci a lieu de manière effective au travers de crises. Chaque crise personnelle que nous traversons est un tournant de notre vie : nos décisions engendrent alors la progression ou la stagnation.
La croissance est le résultat d'une interaction entre soi-même et l'environnement.
James OLTHIUS établit une corrélation entre les étapes du développement de la foi et celles du développement psychosocial proposées par ERIKSON. Pour lui :
Chaque « acte de foi » inclut la raison, les émotions, le corps et l'imagination. Si l'on ne tient pas compte de tous ces éléments, notre foi ne sera pas intégrée.
Les diverses manières dont nous expérimentons notre foi sont étroitement reliées au sens que nous avons de notre « moi » et à notre bien-être émotionnel (lesquels sont enracinés dans les expériences de nos premières années). « Une faible appréciation de soi sape la foi. La foi que nous professons peut être reniée dans les faits par nos besoins émotionnels non satisfaits ».
Distinguons entre « confiance » et « croyance » : la confiance repose sur un état affectif, alors que la croyance est une opération cognitive. Souvent, le manque de foi chez les chrétiens résulte de dysfonctionnements dans la vie émotionnelle des premières années, plutôt que d'une croyance cognitive défectueuse à l'âge adulte - même si notre conception de Dieu et nos sentiments envers Lui sont impliqués.
Notre foi d'adulte est sérieusement handicapée ou altérée, si les manques et traumatismes des premières années n'ont pas été résolus. Les blocages, combats, traumatismes et crises de notre foi d'adulte sont reliés à ceux des premières années de notre vie. Pour devenir mature et recevoir une foi profonde, il nous faut refaire le « cycle à l'envers », revenir sur les chocs et blessures des premières années et les régler.
On distingue 4 grandes périodes à partir de l'adolescence. Dans chaque période, nous avons des devoirs et des tâches à accomplir, pour passer à la prochaine.
Nous traversons des transitions, des moments difficiles et déstabilisants, des périodes de turbulence : certaines crises de notre vie sont simplement liées à ces étapes de développement personnel, sans qu'il y ait d'autres évènements extérieurs majeurs.
Certains évènements majeurs marquent un début de transition : la fin des études et l'entrée dans le monde du travail - le mariage - l'arrivée d'un enfant - la retraite - un changement professionnel - un déménagement - etc.
Aux alentours des 30 ans, c'est le moment où nos rêves d'enfant ou de jeune sont réellement éprouvés face à la réalité de la vie, et cela peut nous conduire à de douloureux renoncements (ex : une jeune femme qui renonce à une carrière professionnelle pour se consacrer à l'éducation de ses enfants).
Vers 40 ans : c'est un moment de bilan, nous arrivons à mi-chemin de notre existence. Nous évaluons ce que nous avons fait, nous redéfinissons nos objectifs.
Au moment de la retraite (60 - 65 ans) : c'est une période souvent plus difficile pour l'homme que pour la femme, car son rôle dans la société et son identité sont affectés.
Les éléments suivants entrent en compte dans le développement d'un adulte :
Chaque étape engendre des tensions : les changements les plus importants et les plus significatifs sont ceux qui interviennent dans notre être intérieur.
Pour qu'il y ait une vraie croissance :
Certaines transitions, certains carrefours sont plus turbulents : parfois on avance, puis on recule, mais après le passage, nous ne sommes plus les mêmes (en positif ou en négatif).
Des domaines de vulnérabilité et de nouveaux potentiels apparaissent en même temps.
Soit nous choisissons de confronter les changements : c'est douloureux mais c'est là que nous avançons. Soit nous choisissons de les éviter : cela aboutit à la stagnation et au repli sur soi.
Engager un changement nous déstabilise : pour grandir, il faut que les nouveaux défis soient légèrement plus élevés que les compétences que nous avons acquises jusque là (mais pas trop, sinon nous nous sentons submergés).
Pour un couple : lors d'une phase de transition, certains problèmes et incompréhensions peuvent apparaître, si le partenaire n'est pas synchronisé avec celui qui entre dans une nouvelle étape ou qui passe par un temps de crise. Il est donc important de connaître dans quelle étape le conjoint avance.
Sources de tensions ou de crises personnelles :
Les diverses étapes de notre évolution personnelle en tant qu'adulte.
L'évolution de l'œuvre ou organisation dans laquelle nous travaillons. Pour que nous nous sentions à l'aise, ces deux domaines doivent évoluer en parallèle. L'œuvre dans laquelle je m'investit se développe-t-elle en même temps que moi j'évolue ? Sinon, je vais me retrouver à l'étroit...
Si les cadres de l'organisation restent figés, je serai obligé de la quitter pour en chercher une autre, qui me laissera plus d'espace et me permettra de me développer encore.
Enjeu = Identité propre // Confusion dans l'identité
C'est le moment où la personne affirme son identité personnelle : il y a détachement des parents, des modèles éducatifs, pour affirmer ses propres dons, ses propres choix, pour définir sa propre image et sa propre personnalité. C'est souvent une période de combats, de doutes, de quête de soi-même. Pour l'homme : l'identité se forge principalement au moyen de la réussite sociale, du travail.
L'adolescent développe une multitude de façons nouvelles de voir le monde et de réfléchir. Il peut remettre en cause les pensées des autres, de même qu'il se demande ce que les autres pensent de lui. En fin de compte, l'adolescent devient capable d'établir ses propres théories et sa propre philosophie de vie, en réunissant les aspects divers et parfois contradictoires de la société, dans un « tout » harmonieux et fonctionnel pour lui.
Il développe cette capacité de mettre en ordre tout ce qu'il appris précédemment, il intègre les différentes images qu'il a de lui-même en une seule réalité qui deviendra son identité, qui assure une continuité avec son passé et prépare son avenir.
Le fait d'atteindre le sens de son identité personnelle dépend du milieu social dans lequel on grandit.
En cas d'échec : c'est la confusion de l'identité et des rôles. L'adolescent n'arrive pas à savoir qui il est réellement, qui lui appartient ou à qui il appartient. Beaucoup de jeunes « à problèmes » semblent avoir une notion fragmentée de leur identité personnelle.
Cela peut conduire au désespoir, à la désillusion.
Etape de la « Foi en recherche », une Foi exploratrice, qui cherche la sécurité. C'est aussi une foi de « conversion ».
Orientation fondamentale : la personne recherche une base solide pour la construction de sa propre identité
Question à régler en priorité : la sécurité intérieure - Etre (avant de faire).
(Notons qu'ERIKSON insiste sur le fait que la vie est faite de changements constants : si l'on confronte un problème à une certaine étape de notre vie, cela ne nous donne pas de garantie de solution si le même problème émerge à un stade ultérieur. De même, si l'on a du mal à résoudre un problème à un moment, de nouvelles solutions pourront être trouvées plus tard.)
Enjeu = Intimité // Isolement
L'identité étant définie au stade précédent, le jeune adulte est prêt à mettre en place une relation d'intimité durable. Cela signifie : une capacité de partager avec une autre personne et de prendre soin d'elle, sans avoir la crainte de « se perdre » au cours du processus.
Par exemple : vivre un amour et une relation sexuelle dans le cadre d'un engagement à long terme (et non plus des « aventures »). Cela peut aussi se retrouver dans une amitié durable. Il y a un grand besoin de proximité et d'exclusivité dans cette relation.
En cas d'échec : cela conduit à l'isolement (le sentiment d'être seul, sans personne avec qui partager ou de qui s'occuper) et l'aliénation par rapport au groupe.
Danger : le jeune adulte peut alors développer une attitude de suffisance, qui rejette les personnes qui ont une opinion différente, et décourage toute remise en question, innovation ou changement.
Orientation fondamentale : grande conformité à la communauté, importance accordée à la doctrine pour déterminer ses points de vue et son identité. Le jeune adulte a tendance à répondre aux attentes et aux jugements de la communauté, plutôt que développer ses convictions et perspectives de façon autonome. Le mode de pensée est tranché : c'est noir ou blanc, sans nuances !
Etape de la « foi d'appartenance » : c'est une foi conformiste, conventionnelle, reliée aux critères de la communauté. Ce n'est pas encore une foi autonome.
Le jeune adulte cherche à mettre en pratique une foi personnelle au sein d'une communauté, pour laquelle il éprouve un fort sentiment d'appartenance.
Question à régler en priorité : Confiance - Signification (le sens des choses)
Enjeu : Capacité de transmettre à d'autres // Retour à l'ego et Stagnation
ou productivité
(Generativity // Self-absorbtion )
A cette période, la personne développe l'introspection personnelle, elle fait un bilan sur elle-même. Elle devient très consciente des changements qui se produisent en elle, elle revient sur ses échecs, ses blessures, les problèmes non résolus. Il y a des moments de « vallée d'ombre de la mort » dans son âme : un sentiment que Dieu est loin, qui la pousse à chercher des réponses, à persévérer, jusqu'à recevoir une nouvelle révélation.
On passe de l'état de « disciple » (où l'on fait simplement ce qu'on attend d'un membre de la communauté) à celui de gestionnaire (où l'on assume de plus en plus la responsabilité personnelle de ce que l'on croit et de ce que l'on fait). On devient plus ouvert aux paradoxes : comme résultat, on reçoit de nouvelles énergies orientées vers l'extérieur.
Par productivité, on entend que l'adulte est désormais plus concerné par les autres, au delà de sa famille et ses proches immédiats, il est préoccupé par les générations futures, par l'état de la société et du monde dans lequel ces générations vont vivre. Il souhaite faire du monde un endroit meilleur pour vivre et travailler.
Il ressent une responsabilité de transmettre aux autres ce qu'il a appris, et de transmettre son savoir à la génération suivante, afin qu'elle poursuive la course.
En cas d'échec : on se retrouve prisonnier de soi-même, on devient de plus en plus absorbé par son confort et ses besoins personnels. Cela conduit à la stagnation. Au lieu de laisser le cours des choses se poursuivre, on essaie de « rester au contrôle » et éviter tout changement. Plus on s'approche de la mort, plus on se retranche dans ses positions.
Le danger est de s'enliser dans le relativisme, l'égocentrisme, la passivité.
Orientation fondamentale : on approfondit sa foi, du fait que l'on arrive de mieux en mieux à intégrer son vécu. Ainsi, on a nouvel un impact extérieur, avec plus de puissance et de créativité, notamment pour des œuvres de justice et de miséricorde.
C'est un stade de foi créatrice : on est ouvert, dégagé du besoin de conformité du stade précédent. La foi est plus autonome. On est maintenant capable de d'intégrer et gérer des positions paradoxales et trouver des solutions. C'est un stade où l'on peut pleinement exprimer la paternité et la maternité dans l'église. Souvent, la femme est sensibilisée plus tôt que l'homme à cette dimension (sans doute, à cause des maternités).
Question à régler en priorité : Pouvoir et Liberté.
Enjeu : Personnalité intégrée (honnêteté) // Désespoir
La personne a intégré les éléments antérieurs de sa vie, elle est en communion avec Dieu et Sa création. Elle atteint un niveau de paix et d'harmonie intérieure, ainsi qu'avec Dieu. Elle prend de la distance par rapport à ses propres œuvres, elle se met progressivement à l'écart pour laisser le cours des choses se poursuivre. Elle prépare son « retour à la maison » - Voir l'attitude de l'apôtre Paul dans 2 Timothée 4, 6-8 -
On peut parler d'une personnalité intégrée : c'est le fruit d'une vie qui a mis en place les fondements nécessaires pour une bonne acceptation de soi, et qui sait que cette vie vaut la peine d'être vécue.
La personne a conscience qu'elle a joué les rôles adéquats, qu'elle a relevé les défis qui se présentaient à elle, à chaque étape de sa vie : elle regarde en arrière vers sa vie passée avec satisfaction. Cela ne signifie pas la perfection, ni une absence de regrets face à certains événements : mais elle a su entrer dans le flot de la vie, vaincre dans les épreuves, grandir en sagesse au moyen des diverses expériences de joie et de douleur.
En cas d'échec : Celui qui voit toute sa vie passée comme une succession d'échecs et de mauvais choix tombe dans un cynisme de plus en plus profond, un désespoir amer, une amertume sans solution envers Dieu et Sa création. Comme il ne peut plus repartir au départ, le désespoir est terrible.
Orientation fondamentale : La personne cherche à réunir toutes les pièces du puzzle de sa vie, pour arriver à une unité épanouissante (une plénitude d'amour, le « Shalom » divin).
C'est le stade de la foi intégrée : Réussir à intégrer les multiples éléments de sa vie, pour accomplir le but ultime prévu par Dieu.
Question à régler en priorité : Amour et finalité de la vie.
Remarque : ERIKSON a toujours présenté sa description des étapes successives du cycle de la vie comme une perspective, et non comme une vision absolue du monde que tout le monde devrait adopter.